dimanche 18 avril 2021

Rouge misère 20 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 3)

 




Dimanche : il me vient une envie d’envahir les rues, les places.

Samedi, nous y étions mais…


Mais ça n’avait pas le goût de la révolte.

C’était juste un gentil rassemblement d’âmes protestataires.

On fait un tour de place, de ville, on va devant la porte hermétiquement close d’une sous-préfecture très Napoléon le petit.

Puis on rentre à la maison, faire ses courses avant la proclamation du couvre-feu d’été.

L’esprit de la Commune est bien loin de nos vies.

Il s’est dissous dans les rayons des supermarchés.

Il se noie sous l’avalanche des achats inutiles.

Il finit par agoniser dans un vague souvenir, en commémorations mortellement ennuyeuses.


C’était au fond un samedi bien ordinaire suivi d’un dimanche sans envergure.

Le grand chêne apprêtait ses bourgeons dans une ultime poussée de gelée.

Certains marchaient sur le sentier ou couraient à perdre haleine.

La commune est morte piétinée par les foules fuyant un confinement étrange.

On ne se révolte pas, on fuit, on décampe, on va se réfugier quand on en a les moyens dans sa maison de campagne sans une pensée pour ceux qui ne le peuvent.

L’esprit s’est dissout dans cette vague égoïste.

Sporadiquement, certains rêvent de réactiver le flambeau.

Certaines luttes ressemblent à ce que furent les vôtres, Louise, Jules, Charles et les autres, mais sans les barricades.

On négocie désormais le poids de nos chaines sur le « marché du travail ».

Les esclaves rentrés au bercail, la vie reprendra son confinement ordinaire.


Xavier Lainé


21 mars 2021


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