"Quand tu abandonnes la lutte, tout est fini. Les jeunes aujourd’hui sont perdus. Ils demandent : « qu’est-ce qu’on peut faire ? » Les apôtres ne se demandaient pas ce qu’ils pouvaient faire, ils y allaient."
Tony Gatlif, « Rencontre entre des hommes remarquables », Cassandre/Horschamp, n°87, automne 2011
Chaque jour de mon métier, je passe mon temps à tenter de mettre un peu de rationalité dans tout ça. Pour que mes patients, justement, en finissent avec l'angoisse et la peur, si mauvaises pour leur immunité.
Mon petit plaisir, c'était un petit café en terrasse, le mardi matin et le samedi matin, ou une bière au soleil en regardant vivre la ville, c'était mon moment musique au conservatoire, le jeudi soir.
Tout ça est bel et bien fini depuis le mois de mars, et je n'entends plus que gens qui me disent qu'ils n'en peuvent plus. Je travaille, je travaille, sans pouvoir dire "vous verrez demain ce sera mieux", ce qui serait un mensonge, puisque chaque semaine on nous annonce le pire.
Je ne peux pas dire que je déprime, non, ou alors, comment je ferais avec ceux qui viennent et parfois s'effondrent en larme sur ma table ?
Je suis kinésithérapeute, mais ce qui m'intéresse, ce n'est pas mon chiffre d'affaire, ce sont les gens qui viennent me voir et qui souffrent clairement dans leur corps d'un monde qui ne semble plus savoir ce que c'est que le vivant.
Je suis kinésithérapeute. Je dois me contenter de faire mon travail avec un revenu qui ne cesse de baisser parce que je refuse de multiplier les actes et de négliger les vies qui défilent entre mes mains.
Et en plus, les maigres plaisirs d'une vie humaine me sont désormais refusé. Je dois traverser une ville morte, peuplée de fantômes masqués, une ville qui me flanque des cauchemars la nuit.
Comme si cette nuit ne devait jamais finir.
Pourtant ne rien abandonner des luttes nécessaires pour que vive la vie.
Xavier Lainé
21 janvier 2021 (1)
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