samedi 28 novembre 2020

Lettre du bord du gouffre 30

 



Je ne cesse d’ouvrir mes pages au poème.

Il va et vient à sa guise, et n’en fait qu’à sa tête.

La poésie, c’est d’abord un regard posé sur le monde, les êtres.

Les mots ne fuient pas devant le réel, ils tentent de lire dans sa trame.

Ils sont l’ultime rempart contre l'empire du père Ubu, pour ne pas sombrer dans le gouffre ouvert sous nos pieds.

Les poèmes dissipent les brumes, dispersent les fumées.


Mais...


Mais comme un bémol appuyé sur la partition de chaque jour, me voilà bien contraint d'observer les dégâts qu'opère période crépusculaire, décisions infondées, désordonnées, incompréhensibles.

Bien contraint de voir les ravages dans l'ouverture à la vie de mes propres enfants comme de ceux qui me sont "prêtés".

Je ne peux soustraire de mon attention qu'il y a quelque chose de criminel à maintenir cette pression insensée, à contenir toute forme de vie sociale pour, mais pourquoi, en somme ?


Gouvernés par des pervers, aveuglés de pouvoir et de finance, comment s'étonner de cette tragédie dont le fil se déroule d'acte en acte dans ce théâtre de la cruauté qu'est devenu notre époque désarticulée.


Resterons-nous spectateurs prêts à sombrer dans cette amertume ?


J'ai cru comprendre que désormais, des protestations devraient se lever, se rejoindre, se conjoindre pour faire entendre une soif d'autre chose.

Sachez que si je n’en suis pas, c’est que je reste fidèle à une orientation prise depuis plus de vingt ans : demeurer disponible à la souffrance des uns et des autres, considérés dans le tout de leur vie et non comme variable d’ajustement d’un chiffre d’affaire. Que celui-ci fonde comme neige au soleil ne me détournera pas de cette ligne.


"Même si dans son sommeil elle peut engendrer des monstres, la raison doit rêver -- et réaliser ses rêves". (Bernard Stiegler, Dans la disruption, comment ne pas devenir fou ? éditions Les Liens qui Libèrent, 2016)


A suivre...


Xavier Lainé


22 novembre 2020


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