lundi 28 août 2023

Un été sur la Terre 5

 



XL-Un été sur la Terre



Procol Harum dans le poste

C’était un autre été

Un été de mémoire

On allait chercher le lait à la ferme

Avec la crème on faisait biscuits pour le quatre heure

Procol Harum dans le poste

A whiter shade of pale

J’arrivais d’un pays de lumière

La ville qui m’accueillait était sombre

C’était un autre été sur la Terre

Loin des autoroutes tarifées

Le Beat débarquait dans nos oreilles

Nos vies n’étaient pas encore sous contrôle

Je n’avais pas encore lu 1984

J’avais dix ans et des rêves plein les yeux


Les étés sur la Terre n’ont fait que passer

Les rêves sont restés

Les temps ont changé

On ne déterre plus les pavés

Ou alors de façon si éphémère

Les rêves sont restés

Rêve-t-on encore

Je ne sais

La nuit du 4 août est passée

Les privilèges demeurent

Les pavés ne bougent plus

Seul les désespoirs parfois

Font sortir de leurs gonds

Les portes verrouillées

De l’auto-contrôle

Par pure convenance


L’apparence privilégiée

Plus rien n’est sauf

Sauf la fortune

D’une poignée d’individus

Sans foi ni loi

Usant de leurs privilèges

Abusant de leur pouvoir


La nuit du 4 août

Procol Harum imité sur la place

Le poste devenu muet

On juxtapose les images 

De nos détresses

De nos soumissions

Sur le puzzle déglingué

De réseaux asociaux

Nos rêves liquéfiés

Sous l’ardeur

D’un été sur la Terre

Devenue aussi folle

Que les humains qui la détruisent


*


Un jour d’été sur Terre j’ai rencontré

Un écolo à vélo qui carburait au lithium

Un commerçant désemparé sans électricité

Des musiciens de rue qui jouaient à la volée

Sans que personne ne s’arrête pour écouter


Un jour d’été sur Terre j’ai ouvert ma porte

À des souvenirs qui ne demandaient  qu’à venir

S’inviter à la table du dimanche

Histoire de renouer les liens desserrés

Le tissu de la vie est si capricieux

Que parfois sans même un lavage

Il se distend mais jamais ne se rompt


Un jour d’été sur Terre je suis rentré

Me suis heurté à des attentes si peu cordiales

Que mon coeur en est resté meurtri

Venu se réfugier devant la page blanche

Il se prend à rêver à ce qui semble endormi


Un jour d’été sur Terre

Ne pas céder sous les assauts du désespoir


*


C’est l’été sur la Terre

Me voilà devant la somme des tâches

Demeurées en jachère


La faute au temps

Toujours trop court


Ne sais par quel bout prendre

Cet amas de papiers

De livres et de revues

De mots jetés comme ils viennent 

Sur d’obscurs papiers 

De livides écrans


C’est l’été sur Terre

La vacance est une béance

Ouverte sous les doigts qui s’acharnent

Sur le clavier des pensées


*


Moujik

Tu hantes la ville

Barbe hirsute

Spectateur muet 


Moujik

Te rencontrer c’est vivre

Un été hors temps

Un brutal retour arrière

En des temps d’esclavage


Moujik

Tu passes silencieux

Dans l’ombre crépusculaire

Nul ne sait qui tu es

Ombre parmi les ombres

Fantôme d’un passé révolu



Xavier Lainé

5 août 2023


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