mercredi 23 août 2023

Beauté : figure de proue de nos révoltes 31

 



Photographie : XL-Manifestation 26 mai 2016



Comment dire

Sans être méprisant

Comment dire


Je me demande

J’ai peur 

D’être condescendant

Parfois

Quand

Sur France Culture

S’éternise un entretien

Dont le propos suit

Étranges méandres

D’un esprit sans

D’une parole sans

Un « moi-je moi-je »

Qui tient un discours

Qui n’apporte rien 

Déconnecté d’un réel

Dont visiblement il se fout


Je me demande

Comment l’inculture

Se fait culture

En ce monde sans

Relire 

« L’homme sans qualité »

Juste pour voir


*


Alors j’ai éteint la radio

Me suis isolé pour ne plus rien entendre

Des litanies d’un monde qui ne sait

Ni où il va

Ni ce qu’il fait

J’ai éteint

Pour me mettre hors de portée

Puisque ce qui se montre

N’est jamais que nombril

De l’un ou de l’autre

Mais nombril

Et chacun va

Tournant autour de lui-même

Sans la spiritualité des derviches


Le nuit fut si courte

Peut-être la fatigue me rend

Plus sensible à l’absurde

Plus perméable à l’ignoble

À cet art de parler de tout et de rien

Pour éviter de causer de ce qui est

Une violence d’Etat

Une violence économique

Une violence sociale

Mais

Chut

Ne surtout rien en dire

C’est l’été

Vous comprenez

C’est l’été


Je prends le baiser de la beauté

Qui brandit son espoir

À la proue de mes révoltes


Je prends

Je ferme les yeux

Le bruit de la circulation

Indifférent à la défaite climatique

Me parvient encore

Absurde


Je reviens à notre conversation d’hier

Comme à celle d’avant-hier

Où je disais que la première violence

C’est celle d’un gouvernement contre le peuple

Encore et toujours

Depuis presque toujours

Où je disais ce qu’il ne faut pas dire

Et encore moins écrire

À moins de faire une croix

Sur les lecteurs égarés

Les potentiels ouvrages

Livrés au commerce imbécile


Je reviens

Je m’en vais

J’expose ma lassitude dans le flot des mots

Je me noie comme tant d’autres

Sinon que ma vie n’est pas en danger

Dans cette noyade symbolique


Je voudrais pouvoir dormir

Me réveiller devant le sourire complice

De ma beauté toujours à la proue


Elle m’aurait fait oublier

Ma lassitude d’avoir traversé

L’océan du temps

Cramponné au frêle esquif 

D’un espoir toujours vain

Où se niche la violence essentielle

Mots délivrés en vain

Eux aussi

Puisque toujours le couvercle retombe

Sur le plus grand nombre


*


Puis les mots viennent

Font trois petits tours 

Et puis s’en vont


Comme les heures

Les journées

Les saisons


Imperturbables

Elles s’en viennent 

Et s’en vont


Moi, je continuerai à suivre

La beauté comme figure de proue

À la tête de nos révoltes

Infiniment justifiées



Xavier Lainé

31 juillet 2023


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