jeudi 24 août 2023

Un été sur la Terre 1

 



XL-Un été sur la Terre


Le noir encore domine, la nuit gagne en importance.

Le sommeil me fuit.

Les heures tournent au cadran d’un réveil qui darde dans la nuit ses lettres rouges.

C’est un jour d’été sur la Terre.

Dans la nuit une voiture passe à vive allure, dans un grand hurlement de moteur.

Elle passe une première fois, puis une deuxième, puis une troisième, histoire d’être bien certaine d’avoir allégé mon sommeil.

C’est une nuit, une fin de nuit d’été sur la Terre.

Les humains pour la plupart, dorment.

Il semble qu’ils ne dorment pas que la nuit.

Les premiers rayons de l’aube pointent derrière les frondaisons.

Prémisses d’automne : le marronnier d’en face dresse sa chevelure ardente.

Un grand calme s’établit dont les moineaux profitent pour composer leur symphonie d’amour.

Il est temps de sortir de mon jus.

Il est temps de tenter de ne rien oublier des tâches à accomplir, tandis que d’autres « vacancent ».

J’aimerais parfois pouvoir « vacancer », moi aussi, mais c’est rare.

Je fais partie de ces travailleurs de l’ombre, collés au rocher d’un devoir auquel ils se soumettent volontairement (ou pas — plus souvent par nécessité).

C’est un jour d’été sur la Terre.

U2 dans l’ordinateur, les mots ne se bousculent pas : ce n’est pas encore l’heure de pointe.


*


Une beauté éphémère sème à tous vents des baisers délicieux.

L’été en est tout attendri.

Le ciel se charge de maigres brumes.

Sur France Culture, on s’étend sur la ruine de Casino, comme si c’était notre préoccupation.

Un été sur Terre, voici qu’éclatent les scandales.

Sur un ton admiratif, « on parle de six milliards d’euros ».

Mais pas un mot pour ceux qui gagnent si peu pour tenir porte ouverte.

Pas un mot.

L’homme qui parle vante les mérites des « lois de la finance ».

Tout est d’abord problème financier avant d’être social.


*


UN ÉTÉ SUR TERRE

UN ÉTÉ SUR TERRE


LA SOIF

LA FAIM

LA FIN

?


UN ÉTÉ  SUR TERRE

ON Y PARLE

ON Y PARLE

DE TOUT ET DE RIEN

DE SOI SURTOUT


MAIS DE RIEN

JE VOUS EN PRIE

DE RIEN


*


Je vais.

Je ne sais comment je vais mais je vais.

Dès potron-minet me voici avec ce sentiment de profonde fatigue.

Mes yeux et mes pensées voguent à la surface.

Rien qui accroche qui relèverait le défi de la passion.

Juste un peu de passion pour ne pas sombrer.

Pour ne pas sombrer dans ce puits.


J’attends sur la margelle comme dans la marge du monde.

J’attends sans rien attendre.

J’ai appris.


J’ai appris que rien ne vient à qui trop attend.

Il faut être prédateur en ce monde

À défaut c’est naufrage assuré.

Il faut avancer dans les lumières, savoir jouer un rôle, même s’il sonne faux, jouer.


C’était sans doute un tort de croire qu’il serait possible, en une seule vie, de vivre l’infinie liberté de la joie.

Quand on retombe de ce rêve, aucun filet ne vous accueille sinon les rires goguenards de ceux qui eurent les codes d’accès.

De ceux qui peuvent, péremptoires et forts de leur « statut social », regarder de haut les autres, les pauvres riens ignorants de tout.


J’ai appris à vivre dans l’ardeur d’un été, sur une Terre de plus en plus dévastée.

Je lis le journal. 

Je tente de rester à la surface sans me noyer.

Je me noie quand même dans les sables mouvants d’un sytème qui ne sait que détruire.


*


Vivre un été sur la Terre.

Plonger sans respirer dans un temps de course sans fin.


Que sais-je de la vie ?


Sinon qu’elle s’infiltre par les pores de ma peau, parfois dessèche l’âme et meurtrit le coeur le plus endurci ?


Je sillonne la ville.

Boulanger fermé, cafés fermés.

C’est un été en Terre de « vacances ».


*


C’est l’été.

Dehors.

C’est l’été.

Ça n’arrête en rien le trafic.

Au contraire.

Ça circule toujours plus.


Les rendez-vous se succèdent.

Mes mains hésitent.

Les maux d’été ressemblent comme deux gouttes d’eau (que j’aimerais bien voir tomber) aux maux des autres saisons.


Un rendez-vous.

Deux rendez-vous.

Trois rendez-vous.

Mon quatrième attend.

Le cinquième est à venir.

La charade sera pour le sixième : de quoi souffrez-vous dans la vie ?


*


Vingt et une heure quarante

Une journée sur Terre

Une journée d’été

Se termine


Hagarde


Xavier Lainé

1er août 2023


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