dimanche 30 novembre 2025

Alors je suis resté sans voix 14

 





C’est sûr on peut toujours regarder ailleurs

Faire comme si le boomerang des révoltes

Ne devait jamais se retourner à l’envoyeur

Comme si étant blancs vivant en pays riche

Rien ne pouvait jamais nous arriver

Sinon fortune et prospérité

Sans chercher à savoir sur quelles spoliations

Elles se construisent


C’est sûr j’ai tort d’écrire

Du moins de ne pas écrire dans le sens du courant

Celui des poissons morts de compromission

J’ai tort

Un tort impardonnable

Celui de croire encore qu’un humain 

Qui meurt sous les bombes

Est un crime de trop

Qui ne cessera de hanter nos mémoires


J’ai tort

Et vous ne me pardonnerez pas

D’avoir écrit qu’à Gaza

On souille aussi la mémoire de la Shoah

Comme j’écrivais hier 

Qu’égorger publiquement d’autres souillait

La troisième religion abrahamique


Car le même Dieu

Dont les premiers thuriféraires ne prononçaient pas le nom

Engendra trois familles qui ne cessent 

De se disputer sa défroque

Au mépris de la parole

Au mépris de la vie si précieuse



Xavier Lainé

14 octobre 2025


samedi 29 novembre 2025

Alors je suis resté sans voix 13

 





Tant qu’en ce monde on répondra

À la souffrance par une souffrance pire

À la violence par une violence pire

Rien ne saura trouver solution


Tant qu’en ce monde on en sera

À la ségrégation des êtres

Selon leur couleur de peau

Leur niveau social ou leur richesse

Selon leur religion ou leur philosophie

Rien ne trouvera solution


Tant qu’en ce monde le seul but

Sera de s’enrichir sans un regard

Pour ceux qui tombent 

Sans considérer la faiblesse 

Comme une nécessité pour entendre

Rien ne trouvera solution


Tant qu’en ce monde on ira en croyance

Qu’à écraser les autres on serait supérieur

Qu’à monopoliser les fortunes 

On serait membre d’une élite

Rien ne trouvera solution


Tant que nous n’irons pas

Décoloniser nos pensées et nos esprits

Pour écouter et entendre

Qu’en chaque être vivant

Un coeur bat et ne demande qu’à vivre

Tant que l’humain s’imaginera supérieur

À tout ce qui sur cette terre vit et s’émeut

Rien ne trouvera solution



Xavier Lainé

13 octobre 2025


vendredi 28 novembre 2025

Alors je suis resté sans voix 12

 





Mais peut-être est-ce sidération

Ou protection

Que de se calfeutrer pour ne rien voir

Ni rien entendre


L’homme vient

Il se la joue guerrier

Ne laisse entrevoir aucun sentiment

Aucune compassion

Juste une surface lisse

Et des lèvres qui disent

Que l’échange est difficile

Surtout arriver à entendre

Ce que l’autre dit

Mais si la souffrance est trop grande

Qu’entendre sinon le silence

Le repli pour atténuer les coups


L’homme vient

Il ne semble pas comprendre

Ce qui se tisse dans un corps qui se tend

Il soigne

Il dit que chacun a la solution

Mais il n’entend pas

C’est difficile d’entendre

C’est difficile de se mettre à la place

Où l’autre souffre

D’une souffrance qui me provoque

Jusqu’au tréfonds de ma propre histoire

Alors je crée une carapace

Pour me protéger et je rejette

En rejetant c’est un peu de moi que je rejette

C’est dur à voir à comprendre à entendre justement



Xavier Lainé

12 octobre 2025


jeudi 27 novembre 2025

Alors je suis resté sans voix 11

 





Incroyable méprise

Brouhaha permanent

Tumulte entretenu

Égarement des esprits

Le mot peuple répété

En continu mais vide

Qui fait peuple

Qui s’y reconnait

Lorsque la vague du mépris

Ne cesse d’emporter chacun

Comme fétus de paille

Sur l’océan des connivences malsaines


Les puissants sont ainsi

Qu’ils festoient sur la dépouille

Des peuples asservis

Rendus impuissants et serviles


Les puissants aiment ça

Écraser toute pensée contraire

La passer sous silence

Pour éviter que le commun

Ne puisse s’en saisir


Ils divisent

Ils emprisonnent

Dans leur grande mansuétude

Parfois libèrent au compte-goutte

Quelques prisonniers

Et contemplent du haut de leur siège

La liesse qui accompagne ces libérations

Sans que rien ne change des oppressions

Sans que rien ne bouge dans les fondements



Xavier Lainé

11 octobre 2025


mercredi 26 novembre 2025

Alors je suis resté sans voix 10

 





Je creuse

De livre en livre je creuse

Dans les livres lus

Dans les livres écrits

Je creuse

Je ne sais quoi trouver

Sinon poser pierre après pierre

Un édifice de papier

Qui témoigne 

Du monde qui n’est pas mien

Avant de tirer révérence

Lorsqu’heure s’en sera venue

Je creuse

Impossible de faire autrement

Creuser toujours

Pour chercher le trésor enfoui

De notre humanité enfuie

Creuser

Ouvrir un labyrinthe de mots

Dresser une pyramide d’ouvrage

À la mémoire de ce qui fut

À celle de ce qui est

Pour ce qu’elle pourrait être si

Si à force de creuser

À force de porter témoignage

Je savais participer

À un autre monde

Où il ne serait plus besoin de creuser

Les abris pour que culture survive

À l’abri des bombes et des fureurs

Plus besoin de creuser

Un monde où connaissance

Serait en libre accès et circulation

Parmi humains curieux d’apprendre

À vivre ensemble 

Sur terre réconciliée

Une terre d’accord profond

Entre qui je suis et qui tu es

Dans le respect de nos différences


En attendant je creuse

Je balise

Je consolide

Cette Babel de livres

Qui tous abondent

À la nécessaire connaissance

Pour tenter de comprendre

De tirer leçons

Pour qu’enfants demain

Ouvrant la porte 

Puisent le profond bonheur

De plonger à leur tour

En cet océan de savoirs

Qu’humains ont accumulés

Malgré ceux

Inhumains cramponnés à leur pouvoir

Qui ne cessaient d’en démolir l’ouvrage

D’en saborder l’architecture


En attendant je creuse

De cet antre de mots

Je dresse une stèle particulière

À tous les enfants sacrifiés 

De tous les siècles et d’aujourd’hui

Dans les génocides répétés

Dont nous connaissons mobiles et acteurs

Je creuse pour que les crimes un jour 

Ne soient pas seulement punis

Mais que leur condamnation soit utile

À grandir en humanité



Xavier Lainé

10 octobre 2025