On autorise, certes, les critiques feutrées au nom de l’apparence de démocratie.
On autorise ce qui ne dit rien de l’impérieux besoin d’air.
On autorise l’un, on interdit l’autre.
Ou plutôt qu’interdire, on laisse le soin à l’oubli d’accomplir son oeuvre.
Il y a pensée et Pensée, Poésie et poésie.
Dans le classeur raisonnable de bonne bourgeoisie, il faut des majuscules sinon rien.
Pour la bonne conscience certes, on ne censure pas tout le monde, seulement ceux qui ne sont pas issus du sérail, qui n’ont pas les diplômes ad hoc, les riens qui voudraient prendre la parole et se faire entendre, faire entendre d’autres discours, d’autres manières de causer, autrement que le petit doigt en l’air, sur les canapés, sous les ors de moribonde République.
On ne censure pas tout le monde, juste ceux qui ont tellement pris l’habitude de se taire qu’ils ne se dérangent plus pour rien, puisqu’ils sont exclus de ce monde qui parle de culture, de poésie, la bouche en cul de poule, juste pour faire chic.
On ferme la gueule de ceux qui revendiquent de ne pas être des amuseurs, mais des ferments, avec les mots propres aux dépossédés de la terre.
Les mots de la colère roulent dans les souterrains où la liberté gronde encore un peu.
Que les bourgeois accaparent tout, mettent la main sur le plus intime des cris ne changera rien.
Un jour la parole sera aux damnés.
Elle a déjà jaillie, jaune de colère autour des rond-points qui virent sauter le verrou de la parole.
« Fin du moi, début du nous », disaient-ils.
Le couvercle d’un virus posé n’a fait que reporter l’échéance.
Xavier Lainé
26-27 août 2020
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