vendredi 30 août 2024

Résistance(s) 5

 





Alors tu serres les poings de tes mots

Tu en aiguises le tranchant

Espérant qu’en cette révolte

Quelqu’un ou une saurait trouver

Trouver réconfort et pouvoir de résister


Alors tu serres les poings sur tes mots

Pour les lancer plus fort à la gueule du monde

Pour que puissent s’y cramponner

Les victimes incessantes sacrifiées

Sur l’autel des profits aveuglés de pouvoir


Alors tu serres les poings sur ta vie

Tu cognes sur la table des tranquillité

Tu rêves même de cogner encore plus fort

Pour réveiller les ultimes consciences

Capables encore de cultiver révolte


Alors tu serres les poings jusqu’au sang

Les traîtres au genre humain se terrent

Ils ne se montrent jamais parmi les vivants

Ils sont derrière leurs paravents de fortune

Se croient protégés tandis que peuples meurent


Alors tu serres les poings vers le ciel

De tes pieds tu bottes dans la fourmilière

Insensée fourmilière silencieuse et muette

Où grouillent les naufragés du temps

Convaincus de leur impuissance irréelle



Xavier Lainé

5 août 2024


jeudi 29 août 2024

Résistance(s) 4

 





Ce serait si facile

De fermer les yeux

Tandis que le bruit des bombes

Ne cesse de se rapprocher

Que lentement

Le monde s’en va sombrant

Dans la folie d’une poignée

D’omo démens ivres de pouvoir et d’argent


Ce serait si facile

De se taire

D’accepter comme fatalité

La dérive de toute humanité

Vers les récifs de sa bestialité


Mais


Toujours tu vois les regards implorants

D’amis ici et là

Parfois si loin de tes rives

De relative paix


Comment fermer les yeux

Ne pas écouter et entendre

Leurs suppliques pour ne pas être enterrés

Sous la désastreuse dérive


Ne pas céder c’est ta devise

Sempiternel mantra qui te tient vivant

Debout parmi les fumées et les cris



Xavier Lainé

4 août 2024


mercredi 28 août 2024

Résistance(s) 3

 





En fait tu ne devrais pas

Écrire ces choses sans intérêt

Qui ne concernent personne

Puisque tout le monde semble s’en moquer

L’essentiel était ailleurs

Dans les courses du samedi et des autres jours

Dans les pouces qui s’agitent sur écrans tactiles

En des réseaux sans âme où s’épanchent molles révolutions

Tristes résolutions


En fait tu ne devrais pas écrire un seul mot

À regarder le monde tel qu’il va ou pas

Qu’importe au fond qu’il se perde

Guidé par mauvais bergers

Dans les gouffres amers d’une planète exsangue


Tu ne devais pas te poser en résistant

Quand à l’égal des pouces sur les réseaux prétendus sociaux

Tu ne fait qu’aligner des mots comme maigres protestations

Tes mains ne soulèvent aucun pavé

Ton corps lentement s’enfonce dans la vieillesse

Tu as très souvent rêvé qu’il puisse être autrement

Alors à ta façon de vivre tu tentais de ne pas t’y soumettre

Mais qu’est-ce qu’une façon de vivre 

Quand il faudrait que par milliers 

Nous clamions notre refus d’obtempérer

Aux ordres qui créent la tragédie


Tu ne devrais pas

Pourtant tu t’y colles chaque jour



Xavier Lainé

3 août 2024


Résistance(s) 2

 




C’est vivre sans cesse en porte-à-faux d’un système qui n’aime que la conformité.

Toujours hors.

Hors sujet, hors propos, hors amour.

Sans doute est-ce détestable d’être qui tu es, avec tes lèvres qui toujours protestent.

Certes il existe en ce monde, des natures aimables.

Elles ont noms d’arbres, d’herbes, de fleurs, d’animaux et d’oiseaux.

Tandis que, parmi les humains, tu te demandes toujours où est ta place.

Lorsque tu parles, que tu dis l’histoire vécue, traversée, tu vois les regards ébahis de ne pas savoir.


Pourtant…

Pourtant tu dois bien ne pas être le seul à avoir pris le retour de bâton pour avoir manifesté.


C’était un jour de mai.

Le catholicisme familial imposait de faire une « communion solennelle » en aube blanche et cierge à la main.

Tu n’imaginais même pas que refus serait envisageable.

Ce soir là, la famille catastrophée écoutait le poste : la Bourse brûlait et les barricades se formaient un peu partout.

La famille semblait avoir perdu quelque chose d’important dans ce feu répandu.

Toi, tu ne disais mot, mais tu pensais que, décidément, l’histoire parfois use de symboles imperceptibles à l’attention des adultes.

Le lendemain, tu allas rejoindre les prêtres ouvriers qui faisaient collectes pour les grévistes.

C’était pas bien vu, mais tu y étais bien plus à l’aise qu’à la table familiale aux mines compassées.



Xavier Lainé

2 août 2023


lundi 26 août 2024

Résistance(s) 1

 





Le problème d’entrer en résistance serait d’en définir la porte. De savoir par où commencer.

Tu ne sais pas ce qui te pousse depuis si longtemps à ne pas te soumettre.

Au point que, les années passant, te voici acculé, dans ta vieillesse et regarder les autres profiter de leur temps libre tandis que toi…


Mais si tu dis que ce monde ne tolère pas qui quiconque lui résiste, tes interlocuteurs trouvent toujours argument contre ta rhétorique.

C’est là qu’intervient une logique qui le plus souvent te dépasse.

Celle qui consiste à dire que, si tu ne t’en sors pas, c’est que tu ne sais pas t’y prendre.

« Regarde moi », qu’ils disent, « je n’ai jamais cautionné dans mes discours le système que tu critiques ! »

Certes, mais…


Mais quand tu regardes le train de vie, la manière d’engager des relations sociales façon carnet d’adresse, en mettant tout propos contraire sous le boisseau des convenances, tu vois bien que quelque chose ne va pas.

Ce qui ne va pas relève d’un divorce auquel tu as toujours tenté d’échapper : celui d’une rupture du lien entre tes paroles et de tes actes.

Lorsque tu décides d’entrer en résistance, ce ne sont pas que vaines paroles jetées en l’air et qui ne retombent jamais, un peu comme ces voeux que, tous les ans, on lance par pure convenance et qu’on oublie illico pour retomber dans l’ornière d’une vie convenue.

Lorsque tu décides d’entrer en résistance, c’est un acte posé dont le discours n’est que la traduction verbale.


Entrer en résistance, c’est vivre selon une éthique d’humanité et tenter de faire converger ta vie pour que cette éthique n’en reste pas à l’ontologie, mais revienne sur le terrain de la pratique.



Xavier Lainé

1er août 2024


dimanche 25 août 2024

Chroniques d’un désastre annoncé 31

 




Il faudrait savoir se plier

Aux impératifs d’un temps

Où ce qui est écrit

Doit s’inscrire dans un « projet »


Exit la méditation expresse

Celle qui vogue au gré du courant

Sans jamais s’arrêter aux obscures nécessités



Xavier Lainé

31 juillet 2024


samedi 24 août 2024

Chroniques d’un désastre annoncé 30

 





Il faudrait pouvoir

Voguer très haut

Pour échapper au couvercle

De chaleur pesante

Sur les épaules fourbues


Mais de quoi parle-t-on désormais

Des jeux du cirque

C’est mieux

Ça permet de camoufler

L’absence de travail

Sur le sort qui nous attend

Lorsque planète sera en feu


*


Il ouvrait ses bras comme un sémaphore

Debout à la proue du temps

Il les agitait frénétiquement

Cherchait en vain à attirer l’attention

Sur le gouffre ouvert devant lui


Mais tous passaient en le regardant

Sans rien comprendre aux signaux

Puis tombaient en silence


*


C’est sans doute un des aspects du désastre

C’est qu’on s’y fait


*


Parfois ton inconscient parle

Il t’en fait voir des vertes et des pas mures

Il te pousse à ouvrir les bras et à embrasser

Il t’invite à côtoyer l’enfer du désir


C’est ton inconscient masculin

Celui qui te ferait prendre pour amour

La première qui passe et ne demande rien


L’autre


C’est ton inconscient féminin

Celui là te fait souffrir aussi

Mais d’une autre manière


Il est celui qui t’invite à la prudence

Parfois excessive au point de te paralyser

Que tu ne saches plus comment t’exprimer

Sans peur de dire des choses indicibles


Entre les deux 

Suspendu au-dessus du vide 

Où désastre montre les dents

Tu dois jouer le funambule

Ne sachant jamais très bien

Lequel de tes inconscients

Est en train de te fourvoyer



Xavier Lainé

30 juillet 2024