lundi 22 avril 2024

Un petit cours de rhétorique ne fait jamais de mal à personne

 





« On attend d’une opposition municipale qu’elle soit constructive et qu’elle fasse primer l’intérêt général. Or, refuser de reconnaître que les choses avancent dans le bon sens par dogmatisme dénote une pointe de jalousie ou de rancoeur qui n’honore pas celles et ceux qui donnent des leçons de morale ou qui s’opposent systématiquement. » (Groupe « Manosque Terre d’Avenir », in Bulletin municipal, printemps 2024)


La rhétorique est terrible car parfois elle se retourne et revient tel boomerang à la figure de qui la pratique.

Il semble qu’ici la notion même de démocratie soit passé aux oubliettes de l’esprit.

C’est sûr que l’opposition ne soit plus l’opposition mais se range au « bon sens » de la majorité, ce serait plus confortable !

Posons la question du « bon sens » : la rhétorique démocratique viendrait considérer qu’il y a autant de « bon sens » que de citoyen en âge de réfléchir ; la rhétorique totalitaire consiste en ce jeu qui fait de ce « bon sens » la propriété des seuls élus, toute autre manière de penser étant condamnée d’avance, si possible sans discussion.

Posons la question du dogmatisme : il n’est la propriété de personne ou de tout un chacun. Les dogmes, dès lors qu’il y a débat politique ont la peau dure et chaque bord en use et en abuse pour condamner l’autre, celui qui ne pense pas comme il faut. Ici aussi, la rhétorique démocratique voudrait que le terme même de dogmatique ne s’impose que pour caractériser celui ou celle qui applique des mesures y compris délétères, tout en affirmant sa bonne raison ; affirmer que dès lors qu’on s’oppose on agirait selon des dogmes relève d’une logique purement totalitaire.

Nous voici devant ce que je nomme depuis longtemps une rhétorique fascisante : l’autre, celui qui s’oppose, qui n’a pas mes arguments, qui n’a pas ma couleur de peau, mes croyances, ma philosophie est d’office condamnable car « aveugle à l’intérêt général » (sans dire en quoi), « dogmatique » (sans argumenter les dogmes supposés), accusé de « jalousie ou de rancoeur » (car bien sûr c’est le propre de l’élite de se croire victime de la vindicte populaire)…

Et bien évidemment on accuse l’autre de faire la morale quand soi-même on prend le ton moralisateur prêté à celui-la.


Concrètement, comment caractériser les actes qui sont posés en s’appuyant sur un tel discours ?

Une ville vieillit, sa jeunesse s’enfuit, son commerce s’étiole, son économie prend l’eau, sa culture est vendue à l’encan, sacrifiée sur l’autel de « l’animation » : on occupe les esprits, on ne les cultive pas.

Néron ainsi vantait les mérites du cirque en donnant à son peuple « du pain et des jeux ».

Les millénaires passent, la rhétorique demeure. 

Hors du sentier des dogmes établis, penser le développement d’une ville, justement, consiste à sortir des idées toutes faites, et d’assembler toutes les façons de voir pour sortir de l’ornière.

Au dogme du néo-libéralisme, il ne s’agit pas d’opposer un autre dogme qui agirait comme baguette magique, mais de mettre au service du commun toutes les énergies avant qu’elles ne s’épuisent.

Car ils sont nombreux les acteurs du commun : ils ne savent pas toujours que ce qu’ils font, souvent bénévolement, participe de cet « intérêt général » dont la rhétorique totalitaire pense être seule à détenir le privilège.

L’économique psalmodié comme un mantra ne fait que cultiver l’individualisme de ceux qui tirent profit de la ruine des autres.

L’humain remis au centre ne laisse aucune place à cette forme d’égoïsme qui est l’apanage d’un système capitaliste qui adore les totalitarismes quand il se sent confronté à l’échec de ses dogmes économiques : extension de la misère sociale et culturelle, naufrages dont guerres et violences sont l’issue logique (relisez donc Jaurès : « Le capitalisme porte la guerre comme la nuée porte l’orage »).


Dans une ville livrée aux appétits grossiers des assoiffés de pouvoir et de puissance, usant et abusant d’une rhétorique totalitaire, il serait temps de réunir toutes les intelligences pour oeuvrer à la sortie du gouffre et de l’ornière.



Xavier Lainé

22 avril 2024


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