Lire est une errance qui te fait échapper au néant du quotidien.
Pages après pages, tu te vois en philosophe, en poète, en écrivain alors que tu ne seras sans doute jamais l’un ou l’autre de ceux-là.
Tu erres, de livres en livres, de musiques en musiques.
Livres et musiques sont ton balancier tandis qu’en équilibre sur ton fil, tu observes les requins gueule ouverte qui t’attendent là en dessous.
Tu te jettes sur la page blanche : elle est ton île, ton havre, ton port d’attache.
Tu largues un instant les amarres qui te ligotent au monde à la dérive.
Tu t’éloignes, dans un sommeil bref mais salutaire qui libère les mots de la gangue de fatigue qui te harcèle.
Tu parlais de ralentir l’allure, ce n’était qu’illusion : on ne ralentit rien du tout, on se met entre parenthèses.
Ce fut ainsi qu’être confiné ne provoqua chez toi comme chez beaucoup que l’occasion rêvée d’un retrait, un retrait fort actif : travailler à distance, faire l’école aux enfants, te lamenter de ne pas plus pouvoir agir sur ton quotidien alors que le monde t’enfermait entre tes quatre murs.
Ce n’est que depuis ta sortie de cette incarcération que tu te prends à rêver d’avoir le temps pour toi, le temps de lire et d’écrire sans rien qui vienne en interrompre le cours.
Il était donc faux de parler de période ralentie, ce n’était que l’ouverture d’un désir, vite anéantit sous la trivialité du vivre.
Tu marches sur le fil.
Tu contemples de là-haut ce monde où tant font naufrage.
Tu vois, juste au-dessus, ceux qui se frottent les mains à chaque noyade.
Tu es l’observateur d’une guerre menée par les non-humains aux non-inhumains.
Tu pleures en silence à chaque départ vers les profondeurs abyssales.
Xavier Lainé
12 août 2020 (2)
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