vendredi 21 avril 2023

Poésie/Tracts (Anonyme XXI) - Préface

 



Céleste-Lever de rideau/XL-Photographie


C’est d’ailleurs parmi les manifestants que je rencontrais l’anonyme du XXIème siècle

Je suis d’accord, personne ne me croira, sur ce coup là.

C’est pourtant vrai.

De manifestation en protestation, le hasard nous porta sur le même chemin, côte à côte et unanimes à contester les décisions iniques d’un Etat aux abois.

Il m’affirmait écrire, mais sans trop savoir quoi faire de ce qu’il écrivait.

Comme beaucoup, son écriture était une écriture du silence, vouée à ne jamais paraître au ciel pur de la littérature bourgeoise.

Il se sentait d’ailleurs très mal à l’aise, bien que lecteur assidu de toutes formes littéraires, avec ce milieu qui brille plus par la juxtaposition des ego que par son penchant à l’oeuvre commune, celle qui s’écrit dans les souterrains où se terre la liberté d’expression.

Car nous en sommes là : la liberté erre dans les sous-sol de la République, puisque, au rez-de-chaussée, on frappe, on cogne, on éborgne et on mutile.


Prenant un café en terrasse, il me proposa un « marché » : sans faire de blague, il écrirait à partir du premier avril 2023, une série de poèmes à distribuer sous forme de tracts, pas plus de vingt chaque jour, répartis aléatoirement dans la ville, au fil des rencontres probables ou improbables.

En échange, je lui devais un café hebdomadaire avec lui-même, sans que nul ne puisse savoir qui il était.

Le marché fut ainsi conclu. Je lui fit part de ma volonté de publier ses textes sur mon blog. Il me demanda d’insister sur son anonymat. Je respecterai donc sa volonté.


Je vais donc depuis avec mes tracts à la main.

Mal foutus, mal imprimés, j’en distribue dix pour la première version.

Finalement je change.

Changement de présentation pour que ça fasse plus « tract ».

J’en imprime vingt de chaque sans savoir très bien comment les diffuser.

Ils restent dans mon sac.

Peut-être étais-je un peu présomptueux, m’engageant ainsi auprès de mon auteur anonyme.

Tout le monde s’en fout que la poésie gagne la rue.

Tout le monde s’en fout qu’elle marche aux côtés de ceux qui se rebellent.

Le poète est un anonyme parmi d’autres.

Rien ne le distingue.

Il ne sait d’ailleurs pas ce que ce serait, d’être poète.

Il ne sait pas.


Ne sachant pas, les poèmes, un à un, se déposent dans ma salle d’attente.

Ils sont en attente, patiemment, d’être lus…

À vous, lecteurs, de jouer avec.


Manosque, 19 avril 2023


Xavier Lainé


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