lundi 20 octobre 2025

Une autre nef des fous 4

 






Car pour celles et ceux qui étaient là, dans cette salle polyvalente, il n’y a pas qu’un problème social ou racial, il y a un problème culturel : dans ce pays où j’ai posé mes valises, le cosmopolitisme est caché, nié, toute culture autre que la dominante ne trouve pas place. On y cultive l’entre-soi frileux.

Je comprends ça. Je fus de ces gens qui ne savent rester nulle part sans avoir dans l’idée qu’il pourrait s’en échapper. C’est troublant pour qui est sédentaire en diable, de côtoyier cette instabilité.

C’est ce qui rend la vie des migrants incompréhensible.

D’autant plus incompréhensible que dans la stabilité je trouve du confort, du bien être qui est le pendant du bien avoir.

Plus j’ai, plus je vais.

Je vais comme tout le monde, dans une trajectoire de vie : je nais un jour et au bout je meurs, c’est imparable. Entre temps, me croyant au-dessus de la mêlée, j’imagine que toute l’humanité devrait vivre comme moi.

Alors vous imaginez : si en plus d’avoir un mode de vie différent du mien, je constate que ces gens qui ne sont pas de ma couleur, pas de ma religion, possèdent des richesses qu’ils n’exploitent pas alors que moi, j’en ferai de quoi m’assurer des lendemains peinards, ce que ça peut provoquer en mon âme certaine d’être à sa place.

C’est là que tout commence. Je convoite le champ du voisin, puis je convoite sa maison, et pour finir je le vire manu militari pour prendre sa place.

Je suis le pagure ou bernard-l’ermite de l’humanité. Je suis en fait pathologiquement attaché au toujours plus de peur du définitivement moins. Les limites de ma vie me sont insupportables alors je rêve de devenir immortel pour le seul bonheur d’accumuler encore plus de richesse.

Et si autour de moi certains crèvent de faim je n’en ai cure : c’est qu’ils ne savent pas y faire (si, si, j’ai déjà entendu ça : si tu ne t’en sors pas c’est que tu ne sais pas t’y prendre, dans la bouche de certains bien assis sur leur compte en banque).

Il y a donc ceux qui sont et comme dirait l’autre, ceux qui ne sont rien. Il y a ceux qui ont droit à la parole et ceux qui doivent obéir et se taire.



Xavier Lainé

4 septembre 2025


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