samedi 12 avril 2025

Du courage d’écrire dans l’ombre, d’éditer les écrivains du silence et de donner chance à leurs livres.


Du courage d’écrire dans l’ombre, d’éditer les écrivains du silence et de donner chance à leurs livres.

(Un merci du premier aux seconds et encore plus aux troisièmes)


À Claire et Laurence des éditions Ex Aequo

Aux libraires de la Librairie Le petit pois 





C’est très difficile d’écrire, encore plus de considérer avec enthousiasme ce qu’on écrit.

Très difficile pour une raison simple : pour écrire un peu, il faut lire beaucoup.

Or plus on lit et moins on se trouve fier de ce qu’on écrit.

On trouve toujours que d’autres disent bien mieux les choses.

Alors on écrit quelque chose qui ne semble pas avoir été trouvé dans ce qui est déjà écrit et publié.

Dans ce que éditions, critiques et libraires mettent en avant ou pas, mais qui un jour, plus ou moins par hasard vient à notre portée.

On se jette dessus comme la misère sur le pauvre monde.

On dévore à pleins yeux ce qui se cache entre les pages.

Voilà que nos propres écrits paraissent bien mièvres comparés à.

L’ego en prend pour son grade.

Il n’est absolument pas certains que ce qui sort sous les doigts du matin puisse intéresser quelqu’un.

Mais on écrit, parce que c’est une pulsion impossible à réprimer.

On écrit, puis, sans logique aucune, on se surprend à réunir quelques écrits pour en faire un volume. Trop gros au premier abord. On s’y colle. On remanie, on coupe, on colle, on en retranche et on en rajoute.

On tombe par hasard sur l’adresse d’une éditrice.

On se dit qu’on a peut-être des chances.

Comme on est dans le doute existentiel, on vérifie à deux fois pour être bien certain qu’il s’agit bien d’un compte d’éditeur.

Le compte d’auteur relève d’une prétention qui ne sied pas à ceux qui doutent.

D’un doigt hésitant, on appuie sur « envoyer ».

Puis on attend.

On attend parfois longtemps.

On attend parfois sans retour.

Un matin pourtant, alors qu’on ne s’y attend plus : « Votre recueil a attisé notre attention. Après signature du contrat, nous nous mettrons au travail pour publication. »

Plusieurs mois s’écoulent et le livre paraît.

On pourrait croire que voilà, mais non, pas voilà.




Premier obstacle : une Agence Régionale du Livre qui met en doute que vos contrats soient bien à compte d’éditeur et met à votre charge d’en apporter la preuve. À défaut, vous n’existez pas (ou plus) dans la liste des auteurs de votre région. Les porteurs de projets littéraires ou artistiques, assurés de briller, sont bien là, mais vous, avec vos doutes, point.

Deuxième obstacle : les voies impénétrables des médias. Car qui pourrait s’intéresser à un auteur qui doute de lui-même ? On préfère bien évidemment ceux qui ont des certitudes. Alors, silence radio. Ou juste petits signaux trahissant un intérêt mesuré.

L’écrivain de l’ombre mesure alors tout le courage qu’il faut à ses éditrices pour publier des textes voués à si peu de considération.

Il mesure aussi, lorsqu’il découvre une pile de ses livres chez ses libraires préférées, le courage des libraires lorsqu’ils osent sortir des sentiers battus de la « grande édition », et qu’ils mettent en avant l’auteur inconnu. 

Si peu gonflé de lui-même, l’auteur de l’ombre, qu’il s’étonne qu’en un point au moins de ce monde obscurci du bruit que font les présomptueux, l’oeuvre de son esprit trahie par ses doigts sur le clavier trouve havre où cheminer enfin au grand soleil.

Pour combler les doutes, il suffit d’une forme, même timide, de reconnaissance.



Xavier Lainé

Manosque, 10-11-12 avril 2025


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