jeudi 29 juillet 2021

Peindre dans l’air du temps (trilogie) Tome 1 - Théodore entre deux temps 18

 



Le baiser - Théodore Géricault




Tu sais, Théodore, je t’écris d’un monde qui n’a pas encore basculé.

Pour toi la révolution était derrière, tu voyais déjà la réaction thermidorienne en son aboutissement logique : le directoire, le consulat et l’empire.

Nous, nous sommes les fruits, à quelques soubresauts près, de la réaction versaillaise qui n’avait rien à envier aux thermidoriens de ton époque.

Sinon que les fastes sont moins visibles car les riches bourgeois d’aujourd’hui se cachent pour compter leurs dividendes.

Ils ne parlent d’ailleurs que de leurs profits.

Ils en sont aveuglés comme l’empereur en ton temps fut aveuglé par la victoire de ses divisions armées.


Lorsque tu te mets à dresser le portrait des femmes et hommes du peuple, eux aussi ont ce regard hagard, un peu perdu.

Sans doute serions nous croqués de même désormais.

Nous allons, les uns et les autres, nous heurtant à la fatigue d’exister.

Tes oeuvres oscillent entre peuple à l’échine courbée et résurgence de l’esclavage, rétabli par l’empereur.

Un silence pesant s’attarde sur la toile.

Les sauveurs suprêmes se succèdent aux commandes, sans que quiconque n’en sente le moindre soulagement.


Tu n’as que très peu de temps devant toi.

Tu ne le sais pas, mais dans les peines et les désillusions, tu engranges les termes de ta fin.

Tu sens dans les regards de tes contemporains, quelque chose d’un naufrage.

Tu n’y es pas encore mais ça va venir.

Quelque chose est dans l’air qui déjà montre les récifs.

C’est discret une montée de colère !


Xavier Lainé


18 juillet 2021 (2)


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