mercredi 28 juillet 2021

Peindre dans l’air du temps (trilogie) Tome 1 - Théodore entre deux temps 17

 



Le baiser - Théodore Géricault




Pardonne-moi, Théodore, de t’avoir un peu abandonné.

Tu connais ça, l’abandon, la solitude, l’errance.

Tu connais ça, la solitude lorsque l’amour se présente qui te place en travers des conventions bourgeoises.

Ça ne se vit pas, ça ne se fait pas, alors on te met à la porte, et l’enfant qui vient se retrouve en nourrice (aujourd’hui on dirait en foyer ou en famille d’accueil).

Tu lui rends visite, parfois, la mort dans l’âme.

Les visages dans tes oeuvres disent ça : la mort dans l’âme.


Devenus les jouets d’une histoire qui se joue malgré nous, nous avançons la mort dans l’âme.

La bonne bourgeoisie triomphante nous a pourtant appris la maîtrise.

Maîtrise est l’autre versant du mot domination.

En ton temps comme aujourd’hui, ils en ont plein la bouche de la maîtrise.

Prétentieux qui s’imaginent voguer au-dessus des lois, au dessus de la nature, au-dessus de la vie elle-même qu’ils aiment corsetée et voilée.

Regardez donc le miroir des misères dans les esquisses de Théodore.

Regardez donc, ce temps qui s’étire sous le joug des mêmes.

Nous sommes dans cette glu qui nous fige, nous empêche.

Nous rêvons d’une vie à l’image des bourgeois qui nous oppriment.

Nous attendons d’un sauveur suprême qu’il vienne nous libérer de nos chaines.

Nous ne voyons pas, dans le tableau de Théodore, les échines courbées, les têtes et les membres tranchés.


Théodore, peut-être suis-je à côté de la plaque, en t’inventant des intentions que tu n’avais pas. 

Je cherche juste à démêler l’écheveau d’une vie au tournant.

D’une vie inscrite dans une époque étonnamment semblable à la nôtre.


Xavier Lainé


18 juillet 2021 (1)


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