Un violon dans le matin calme 14

 

Marc Chagall-Le violoniste bleu (source :  Passion estampes)

Il m’a fallu du temps

Et d’amères expériences

Pour cesser affaires tenantes

De poursuivre de mes assiduités

L’idée même de vérité

C’est un refuge courant

Que de prétendre en détenir

L’alpha et l’omega

Et de le claironner sur les toits

En longs discours bouffis

De savantes certitudes

Naturel donc de tomber dans ce piège

D’une humanité qui

Du tout son haut

De son long savoir acquis et transmis

Au fil d’infinies générations

Use et abuse du mot vérité

Jusqu’à en exclure du champ

Tou(te)s ce(ll)e(ux)s 

Qui vont par les chemins

En contester l’ordre établi

Il est un poison intégré de longue date

Qui à la domination d’une vérité

Répond par celle d’une autre

Pas plus fondée que la première

Au grand désespoir des poètes de tous temps

Qui savent depuis longtemps

Qu’il n’en est aucune qui soit

La version définitive

Sinon la contemplation de la vie

Xavier Lainé

14 mai 2023

Un violon dans le matin calme 13

 

Marc Chagall-Le violoniste bleu (source :  Passion estampes)

Tu reviens à l’instant

Magique instant

Où le temps demeure suspendu

Entre bras tendres

Tu flottes entre ces moments

Comme îles préservées

De l’âpreté quotidienne

Déclinée en flots d’indifférences

Tes mots s’échappent

Ils appellent 

Ils crient 

Ils espèrent

Tes mots s’envolent

Comme tous les mots

Dans l’espace éphémère

Où ils sont prononcés

Tu reviens à l’instant

Magique instant

Suspendu aux ardents désirs

Éphémères plaisirs

Qu’importe les mots dits

Les mots chantés ou chuchotés

Ils n’ont que leur valeur de mots

Ne sont pas grand chose

Dans le fleuve de la vie

C’est l’instant qui t’importe

Celui toujours trop bref

Où tu peux fermer les yeux

Xavier Lainé

13 mai 2023

Un violon dans le matin calme 12

 

Marc Chagall-Le violoniste bleu (source :  Passion estampes)

Il faut accorder les chants

Laisser les voix monter

Chercher et chercher encore

Un accord qui ne soit d’aucun calcul

Parfois dans la clarté matinale

Une ombre lumineuse apparaît

Nimbée de brumes elle sourit

*

Les mots ne disent pas

Ou en disent trop

Ou pas assez

C’est pourquoi

Aux longs et vains discours

Vaniteuses démonstrations

Je ne sais fonctionner que par petites touches

Pour dire l’indicible

Il n’y a pas de mots

Pour vivre pleinement la vie

Il n’y a pas de code

Pas de conformité

Qui ne nous réduisent 

À une infirmité

Les mots disent et se contredisent

Ils sont et seront voués au secret

Dans un monde qui n’aime pas

Qui n’avoue jamais se tromper

Qui cherche à fonder une pensée

Une pensée unique

Ou inique

Xavier Lainé

12 mai 2023

Un violon dans le matin calme 11

 

Marc Chagall-Le violoniste bleu (source :  Passion estampes)

Te voilà devant l’évidence

Une vie qui ne tient qu’à un fil

Toute une vie

Alors tu joues les équilibristes

Tu chancelles

Des mains se tendent pour te rattraper

Tu ne sais comment t’en saisir

Tu voudrais pouvoir dormir

Dormir longtemps et oublier

L’âpre réalité de chaque jour

Le manège infernal des contraintes

Mais tu sais

Tu sais que tout ne tient qu’à un fil

Que tu ne peux couper

Sans te précipiter dans le vide

Et avec toi toute une vie

Les mains sensibles savent-elles

Ce sentiment de marcher sur un fil

Que si tu arrêtes de marcher

Le fil se détend

Plonge dans le vide

Tout ce que tu as pu aimer

Que tu as tenu à bout de bras

Par amour et par nécessité

Par amour devenu nécessité

La vie est glorieusement injuste parfois

Tu ouvres les yeux sur cette réalité

La tête te tourne

Xavier Lainé

11 mai 2023

Un violon dans le matin calme 10

 

Marc Chagall-Le violoniste bleu (source :  Passion estampes)

Jusqu’où iront-ils

Les amants d’un jour

Ceux de toujours

Ils ne le savent

Ils ne le savent

Le temps reste suspendu

Au dessus de leurs coeurs embrasés

De leurs lèvres embrassées

Le temps n’a pas d’existence

Devant l’ardeur de leurs baisers

Jusqu’où iront-ils

Les amants d’un jour

Ceux de toujours

Ils ne veulent pas savoir

Ils ne veulent pas savoir

Ils vont dans leur embrasement

Se laissent porter par le courant

Ils oublient toutes les attaches

Qui feraient d’eux esclaves

D’une vie non désirée

Jusqu’où iront-ils

Les amants d’un jour

Ceux de toujours

Ils ne sauront jamais

Ils ne sauront jamais

Ils seront hors de l’espace commun

Partenaires d’un voyage sans fin

D’un voyage sans escale

Où peau à peau ils dérivent

Selon les courants de leurs coeurs

Selon les fruits de leurs désirs

Xavier Lainé

10 mai 2023